Salaires minima conventionnels 2021 pour la pharmacie d’officine

10 Fév 2021 | Pharmacies d’officine

Traditionnellement, le début d’année voit se dérouler une « figure imposée » du dialogue social de branche : la négociation d’une revalorisation des salaires minima conventionnels, par le biais de l’augmentation de la valeur du Point.

Exercice difficile où le fossé se creuse entre les chambres patronales et les organisations syndicales sur un sujet où, bien évidemment, les intérêts s’opposent frontalement, parfois avec virulence.

D’un côté, on fait valoir le contexte économique, toujours  difficile  et  défavorable, qui ne permet pas d’être généreux ; de l’autre, on argumente sur l’indispensable reconnaissance des salariés et l’attractivité de la branche tout entière qui pâtit d’une grille de salaires indigente.

On notera chez nos interlocuteurs patronaux une tendance (discrète mais détectable) à vouloir minimiser les augmentations collectives pour favoriser les augmentations au niveau des entreprises (la fameuse prime au mérite !). Une vision qui n’est bien sûr pas la nôtre !

Autre difficulté : la date de mise en application des accords collectifs et, en particulier d’un accord de salaires. Comme évoqué plusieurs fois, la mécanique peut sembler complexe :

  • Dans un premier temps, si l’accord est signé, il n’est pour autant pas applicable dans toutes les officines de France ! En effet, un accord signé n’engage, dans un premier temps, que les chambres patronales signataires. En d’autres termes : seuls les employeurs qui sont adhérents des chambres patronales qui ont signé l’accord ont l’obligation d’appliquer ce dernier dans leur entreprise, à la date prévue dans l’accord.
  • Dans un second temps, à la suite de la signature de l’accord, les organisations signataires déposent une demande d’extension auprès du Ministère du Travail. Comme son nom l’indique, il s’agit d’étendre l’application de l’accord à l’ensemble des entreprises de la branche professionnelle. Les services du Ministère étudient alors si l’ensemble de l’accord est conforme au droit. Une fois la décision d’extension prise (parfois, après de longs mois !), l’arrêt d’extension paraît au Journal Officiel. L’application de l’accord devient alors obligatoire à toutes les entreprises de la branche dès le lendemain de la date de parution au JO. Précision importante : malheureusement, l’extension d’un accord n’introduit aucunement un caractère rétroactif aux dispositions de l’accord qui vient d’être étendu.

Il s’agit de la simple application du droit du travail qui impose ce qui s’apparente

à une véritable discrimination entre salariés mais aussi entre employeurs :

  • Pour les salariés : il est quasiment impossible de savoir si son employeur est syndiqué ou non (à moins qu’il exerce des responsabilités connues localement ou nationalement). De plus, certains employeurs choisissent de cacher leur adhésion syndicale pour ne pas appliquer immédiatement les augmentations !
  • Pour les employeurs : il s’agit d’une pénalisation de l’adhésion syndicale, l’avantage (économique) étant au profit des titulaires non syndiqués. Ce n’est ni logique ni sain de décourager l’adhésion syndicale de quel côté que ce soit…

Pour mémoire, les derniers accords de salaires ont été étendus très tardivement, ce qui fut défavorable aux salariés travaillant pour des titulaires non syndiqués. On comprendra dans ce cas qu’un accord prévoyant 1% d’augmentation au 1er janvier donne en réalité 0,5% s’il est étendu au 1er juillet…

L’historique des dernières années est édifiant :

Accord Point Augm. Application Extension Taux corrigé
10/01/2020 4,568 1,60% 01/01/2020 01/08/2020 0,66%
11/03/2019 4,509 1,90% 01/03/2019 02/10/2019 0,56%
15/01/2018 4,425 1,60% 01/01/2018 30/12/2018 0,00%
07/03/2016 4,355 0,80% 01/03/2016 12/07/2016 0,45%
11/12/2014 4,320 1,40% 01/01/2015 11/07/2015 0,66%

Il s’agissait donc de corriger cette injustice en trouvant une solution équilibrée, mutuellement satisfaisante. Puisqu’il est impossible de modifier la règle sans changer la loi, nous devions trouver autre chose.

Depuis de nombreux mois, les interlocuteurs sociaux avaient entamé une discussion sur cesujet. Une fois encore, seule la délégation FO avait fait une proposition concrète : un dispositif de compensation qui modifie le taux d’augmentation selon la date d’extension. La difficulté résidait dans le fait d’avoir un accord étendu alors que celui-ci entérinait (sans le dire) un principe de rétroactivité que le droit ne permet pas…

Il nous fallait donc opter pour une négociation en deux étapes :

  • Un accord sur un taux de revalorisation classique de la valeur du point
  • Un « coup de pouce » complémentaire pour compenser (même partiellement) le différé lié au délai d’extension de l’accord.

Arrivés à la commission paritaire du 13 janvier, la FSPF annonce unilatéralement qu’elle ne signera plus aucun accord de salaires sans application à l’extension, ce qui nous met devant le fait accompli ! L’USPO prend une position opposée.

Que fallait-il faire ? S’opposer furieusement à cette manière de procéder et constater l’impossibilité de signer un accord de salaires pour 2021 ? Nous avons fait un autre choix : celui de trouver une solution qui soit la moins mauvaise pour l’ensemble des salariés.

Du côté des chiffres :

  • Indice des prix à la consommation : 0% sur les 12 derniers mois en décembre 2020
  • Revalorisation du SMIC de 0,99% le 1er janvier 2021

Les deux chambres patronales engagent la négociation avec 1%. J’indique que l’application à l’extension nécessite une compensation. La FSPF indique qu’elle peut signer seule (sans l’USPO) etpropose un taux de 1,2%, compensation comprise. Inutile de dire que le compte n’y était pas !

Interruption de séance : avec des approches différentes, les organisations syndicales de salariés s’accordent pour demander 1,8% afin d’obtenir un plancher à 1,5%. Ceci représenterait 0,75% sur l’année si l’extension arrive début juillet. Le facteur aléatoire est important mais avec une inflation nulle et un risque d’année blanche, il fallait jouer serré.

La FSPF répond à hauteur de 1,4%. J’insiste sur le fait qu’entre 1,2 et 1,8, le milieu ne se situe pas à 1,4 ! Un petit effort suffirait à trouver un accord…

Finalement, au bout d’une nouvelle interruption, la FSPF accepte de signer un accord de salaires applicable le premier jour du mois suivant la publication de l’arrêté d’extension avec :

  • augmentation de la valeur du Point de 1,5%, soit 4,637 €
  • salaire minimum conventionnel (coef . 100) à 1 555 €.

Jusqu’à l’extension, la grille 2020 reste valable, à l’exception des salaires minima descoefficients 100 à 135 inclus, rattrapés et alignés sur le SMIC, soit 1554,58 €.

Cette solution n’est pas miraculeuse mais la moins mauvaise comme la plupart des accords que nous signons. La résolution du problème du différé d’application est positive, supprimant la discrimination entre les entreprises syndiquées ou non et une augmentation en deux étapes. Plus encore, ça empêche aux employeurs syndiqués  de cacher leur adhésion syndicale pour ne pas appliquer tout de suite la revalorisation de salaires.

Pour nous, cela valait la peine de courir un (petit) risque sur la date de l’extension mais avec uneinflation nulle en 2020, l’enjeu n’était pas immense. Il va de soi que nous enverrons un courrier argumenté au Ministère du Travail pour accélérer l’extension de cet accord.

Bien évidemment, la nouvelle grille de salaires 2021 vous parviendra dès la parution au JO de l’arrêté d’extension.

Olivier CLARHAUT,
Secrétaire fédéral de l’Officine
Secrétaire général adjoint

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